Les gens nés avant 1985 font partie de la dernière génération de l’histoire qui se souviendra de la vie avant Internet. Dans cette vie avant le tout numérique, vous deviez vous rendre dans une bibliothèque pour faire vos recherches, vous utilisiez des cartes en papier pliantes pour voyager, et vous ne pouviez pas trouver de vidéos de chats tout mignons quand vous le vouliez.
Nous vivons un moment Gutenberg. En 1450, l’imprimerie de Gutenberg a révolutionné le monde. Ses livres imprimés ont ouvert de nouvelles manières d’apprendre, et ont fait exploser le progrès scientifique. Aujourd’hui, Internet révolutionne aussi le monde, mais à plus large échelle et beaucoup plus rapidement. La révolution Gutenberg s’est déroulée sur plusieurs siècles. La révolution numérique semble presque instantanée. De 2000 au début des années 2010, l’utilisation d’Internet a augmenté de 566 %. En 2012, Google a été interrogé plus de 1000 milliards (billion) de fois en une année. Aujourd’hui, on estime que 40 % des personnes sont connectées en permanence à Google, Facebook, Instagram et autres applications du cyberespace.
Les gens dépensent des quantités étonnantes de temps dans le cyberespace. En 2012, les Américains ont passé environ 520 milliards de minutes chaque mois sur Internet. Où trouvons-nous le temps ? Nous l’avons pris sur nos temps morts. Ces moments que nous utilisions pour ralentir et prendre plaisir dans l’absence. Ces moments qui nous poussent à la rêverie et à la contemplation, qui sont les carburants vitaux de notre créativité.
Les ordinateurs, les smartphones, les objets connectés sont la première source de notre distraction parce qu’ils exploitent une qualité neurologique de notre cerveau appelée l’ « orientation réponse ». Notre cerveau est particulièrement attentif et alerte aux changements — comme le craquement d’une brindille — qui peuvent être signe de danger. Nos appareils électroniques offrent un éventail d’informations en constante évolution, et notre cerveau est naturellement « orienté réponse » à chaque nouveau stimulus. Et plus vous passez de temps dans un tel environnement, plus votre cerveau s’attend à switcher en portant son attention sur une autre tâche. Le résultat est que vous diluez votre attention et êtes moins productif que si vous restiez concentré sur une seule tâche. Pire, vous en perdez progressivement l’habitude.
Je ne fais pas l’apologie de l’ancien temps. Non. Je vous demande de ne pas renoncer aux avantages de l’ère préinternet : de modérer votre vie numérique, d’être absent de la toile pour être plus attentif, plus efficace, plus créatif. Pour développer vos points de vue sur le monde, pour penser à votre façon, vous avez besoin d’absence. Vous développerez des réflexions innovantes, créerez des liens inattendus et intuitifs entre vos expériences, votre savoir et vos idées. Adaptez la machine à vos besoins, ne vous adaptez pas aux machines.